L’ouvrage collectif Storytelling et contre-narration en littérature au prisme du genre et du fait colonial (XXe-XXIe s.) (Peter Lang, coll. « Nouvelle Poétique comparatiste », Vol. 39) est issu des journées d’études des 1er et 8 avril 2016 organisées par Romuald Fonkoua, Danielle Perrot-Corpet et Anne Tomiche, dans le cadre du projet "Storytelling" du Labex Obvil (Sorbonne Universié), en coopération avec le CRLC (Sorbonne Université).
On assiste depuis les années 1990 à l’expansion inédite, dans toutes les sphères d’activité étrangères au champ artistique (du marketing à la vie sociale promue par les réseaux en ligne), d’usages stratégiques du récit désormais regroupés sous le terme de « storytelling », ou « communication narrative ». Ce phénomène nouveau rend plus sensible la dimension « contrenarrative » – de résistance aux récits dominants dans le discours social – caractéristique de certaines pratiques littéraires qui se donnent pour tâche de remettre en cause les « identités » prescrites par les instances du pouvoir. Les études littéraires féministes d’une part, les études sur les littératures postcoloniales d’autre part, ont de longue date mis en évidence cette visée «contre-narrative » inhérente à certaines entreprises littéraires engagées dans la remise en cause des assignations genrées et des assignations identitaires en contexte (dé)colonial. Cet ouvrage se propose d’interroger à nouveaux frais ce potentiel de résistance, dans le contexte nouveau d’un storytelling néolibéral devenu hégémonique, en mettant en évidence la façon dont certaines oeuvres de fiction littéraire pensent l’intrication des différents facteurs de domination susceptibles de peser sur les destinées individuelles.
Table des matières
Danielle Perrot-Corpet et Anne Tomiche
Penser le genre et le fait colonial : entre storytelling et contre-récits théoriques et militants, quelle place pour la littérature ?
I. Du (contre)-récit colonial à la parole décoloniale
Jean-Marc Moura
Exotisme littéraire et storytelling
Ninon Chavoz
« Qu’on se garde d’y voir un roman colonial » : storytelling colonial et discours emmurés dans Doguicimi de Paul Hazoumé
Sophie Coudray
Le théâtre de Frantz Fanon : de la parole performative à la lutte décoloniale
Xavier Garnier
Quand la douleur parle, le récit souffre (à propos de Sony Labou Tansi)
II. Fictions de l’intersectionnalité
Yolaine Parisot
Fictions de passing, scénographies genrées des « contre-littératures » face au storytelling des dominants
Flavia Bujor
Intersectionnalité, performativité et fiction romanesque : quelques réflexions au sujet de Ladivine de Marie NDiaye
Chloé Chaudet
Les contre-narrations intersectionnelles de Toni Morrison ou la fiction comme porte-voix des oubliées de la littérature occidentale
Marion Labourey
Beloved de Toni Morrison : un récit littéraire de résistance au discours dominant de l’identité collective américaine
III. (Contre)-récits de la nation et de la mondialité
Cyril Vettorato
« Black Mirror » : les romanciers africains américains face à la culture de masse
Florian Alix
« Récits de soi » au pluriel contre storytelling : les cas de Léonora Miano et NoViolet Bulawayo
Cécile Chapon Rodríguez
« Inventer un peuple qui manque » : généalogie d’une autre mondialisation dans Sartorius d’Édouard Glissant
Danielle Perrot-Corpet, maître de conférences en littérature comparée à Sorbonne Université, travaille sur les rapports entre littérature et politique (XXe-XXIe s.). Elle a dirigé en 2016 le n° 7 de la revue Comparatismes en Sorbonne : Fiction littéraire contre Storytelling ? Formes, valeurs, pouvoirs du récit aujourd’hui.
Anne Tomiche, professeure de littérature comparée à Sorbonne Université, travaille sur les avant-gardes du XXe siècle en interrogeant les rapports entre politique et esthétique à partir de questions de genre (gender). Elle a récemment publié La Naissance des avant-gardes occidentales (2015) et dirigé Genre et signature (2018).